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Illégalité des clauses contractuelles : un exemple de contrat de révélation de succession

Information générale

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20/03/2025


Lorsque les notaires éprouvent certaines difficultés à retrouver leurs clients pour faire valoir leurs droits dans une succession, ils font appel à des professionnels de la généalogie dite « successorale ». 

Or, depuis quelques années, certains juristes soulignent l’urgence d’une réforme visant à réglementer la profession face à la multiplication des contentieux judiciaires, inquiétudes relayées par certains parlementaires (Proposition de loi n° 1784, relative à la tarification des généalogistes successoraux du 20 mars 2019 ; Proposition de loi n°3309 relative à la recherche d'héritiers du 15 septembre 2020).

Et pour cause : le lien contractuel formé à l'occasion entre le généalogiste et l'héritier révèle de nombreuses irrégularités (précontractuelles et contractuelles), au-delà même des rémunérations aux montants souvent exorbitants.


Dans les faits, un héritier démarché par un généalogiste est volontairement laissé dans l'ignorance de l'actif de la succession, de l'origine de l'héritage et même de l'identité du notaire liquidateur.

Le professionnel de la généalogie prétend ainsi facturer à l'ayant droit un prétendu "secret" en proposant de lui « révéler » l'origine de la succession ainsi que l'identité de l'officier ministériel en charge de son règlement. Il le fait par l’intermédiaire d'un « contrat de révélation de succession », aussi parfois appelé « contrat de justification de droits » ou encore « contrat de vérification successorale », aboutissement d'une ancienne pratique coutumière fortement contestée depuis une vingtaine d'années (avec plus de 200 arrêts jurisprudentiels référencés dans cet intervalle). Cette convention est d'ailleurs devenue un sujet tabou au sein même de la profession puisque les généalogistes évitent désormais de le mentionner publiquement dans les reportages qui leurs sont régulièrement consacrés.


En ce qui concerne sa nature, le « contrat de révélation de succession » est une convention depuis longtemps identifiée comme un contrat commutatif. Il n'est plus sérieusement qualifié de « contrat aléatoire » dès lors que, comme l'indiquait jadis le professeur Denis Lochouarn (« L'évolution juridique de la convention de révélation de succession : le point sur deux revirements récents », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 1, 8 Janvier 1999,  p. 20), « les généalogistes sollicités par les notaires contractent en parfaite connaissance de la succession (notamment de l'actif successoral et, plus particulièrement, de l'existence d'autres héritiers), ce qui suffit à exclure l'"événement incertain" requis par l'article 1964 ».


L'analyse ci-dessous entend donc souligner les carences du « contrat de révélation » dans son instrumentum à travers l'exemple concret d'une convention d'une société de généalogie successorale proposée à un héritier en 2020.


I – L'OBJET MAL DÉFINI DU CONTRAT

Une prestation fictive...

L'entrée en matière du contrat de révélation est problématique : le généalogiste propose ainsi à un héritier de se lier contractuellement pour une prestation déjà réalisée puisqu'il reconnaît avoir entrepris des recherches permettant de révéler à l'héritier ses droits dans la succession.

L'emploi du conditionnel (le consommateur démarché « aurait des droits à faire valoir ») est seulement rhétorique à partir du moment où la convention désigne le potentiel cocontractant comme un « héritier », qualité qui suppose l'exercice et la jouissance automatiques de certains droits (et notamment la continuité de la personne décédée, en vertu de l'article 724 du Code civil).

La mention de l'ignorance de la succession par l'héritier (« qu'il reconnaît ignorer »), d'apparence anodine, est en en réalité centrale pour le généalogiste : elle lui permet de justifier artificiellement l'utilité de son intervention. En effet, en cas de contentieux, cette prétendue « ignorance » sera seulement évaluée en fonction de la date de prise de contact de l'héritier avec le notaire liquidateur ; la date de la signature du « contrat de révélation » fournissant souvent la preuve matérielle de l'antériorité de sa « révélation », et donc de l'utilité présumée de sa prestation dans la « reconnaissance des droits » de l'héritier.


pour une facturation abusive

Mais que prétend faire facturer le généalogiste, au juste ?

Si « la reconnaissance des droits de l'héritier » consiste en la justification des droits successoraux, un héritier est toujours en capacité d'y pourvoir dès lors que celui-ci peut justifier, auprès du notaire ou de toute autre institution habilitée (par exemple le service des Domaines), de son identité et de ses liens familiaux avec le défunt.

L’officier ministériel est d'ailleurs seul habilité par la Loi à rédiger un acte de notoriété établissant de façon authentique la dévolution successorale.

Or cet acte nécessite la participation de « toute personne dont les dires paraîtraient utiles » (art. 730-1, alinéa 4, du Code civil), ce qui inclut évidemment le généalogiste lorsque celui-ci a été missionné par le notaire.

Autrement dit, seul l'officier ministériel chargé du règlement de la succession, ou les héritiers eux-mêmes, sont en mesure de finaliser la reconnaissance des droits successoraux et le partage successoral, par une déclaration de succession, sincère et loyale, transmise au service des impôts.

Les généalogistes successoraux, exerçant une profession non-réglementée et sans habilitation particulière, sont sans droit ni titre à pouvoir prétendre faire valoir, ou faire reconnaître, leurs droits aux héritiers.


En tout état de cause, la « révélation » des droits de l'héritier que le généalogiste s'engage à réaliser postérieurement à la conclusion de son contrat, n'est pas détachable des recherches généalogiques précédemment effectuées pour établir la reconnaissance de ces droits successoraux.

Dans le cas contraire, sans le travail de collecte en archives de données personnelles, sans la réalisation de fichiers clients enregistrant l'identité et les coordonnées des héritiers, et sans la réalisation du tableau généalogique issu de ces recherches, effectués à ses risques et périls, le généalogiste ne pourrait pas élaborer sa dévolution successorale désignant les parts revenant à chacun.

Comme on le verra plus bas, les règles relatives au commerce et à la consommation interdisent à tout professionnel de démarcher un consommateur pour rémunérer un travail effectué préalablement.


Une activité incompatible avec le principe de liberté contractuelle

Dans chaque ligne de sa convention, le généalogiste va ainsi contrevenir au droit en vigueur, faisant souvent fi des principes érigés dès 1804 au sein de l'article 1134 du Code civil (et aujourd'hui répartis, sans beaucoup plus de clarté, entre les articles 1101, 1102, 1103 et 1104), à savoir : la volonté de rencontre des consentements, la force obligatoire du contrat, et l'exigence générale de bonne foi.

Dans la pratique actuelle de sa profession, le généalogiste, en proposant à l'héritier de lui « révéler ses droits », va en réalité imposer un contrat dont les effets agiront sur le consommateur démarché avec ou sans son consentement, avec ou sans sa signature (notamment par le dévoiement de l'institution de la gestion d'affaires).

L'activité de généalogiste successoral contrevient donc incontestablement au principe de liberté contractuelle, principe de valeur constitutionnelle découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, qui permet en théorie de garantir aussi le droit de ne pas contracter.


Une remise en cause des fondements de la qualité d'héritier

En guise de simple rappel, la loi informatique et libertés impose au responsable du traitement des données personnelles, et à fortiori à son sous-traitant, d'informer les personnes concernées (de la nature de ces recherches, de l'identité de ses auteurs, des finalités du traitement, etc.), et ceci dans les plus brefs délais, le plus complètement possible et, bien entendu, gratuitement.

La parade, visible dans les quelques lignes en petits caractères ajoutées en bas du contrat, consistant à faire passer le généalogiste comme simple destinataire du traitement des données, sera également analysée et logiquement rejetée (partie V).

Ainsi, un ayant droit n'est jamais dans l'impossibilité de « faire valoir ses droits » dès lors que cette revendication du généalogiste consiste seulement à justifier de sa qualité d'héritier : « La preuve de la qualité d'héritier s'établit par tous moyens » (article 730 du Code civil), ce qui n'impose évidemment pas aux ayants droit d'utiliser les recherches d'un généalogiste pour établir leur qualité de successible.

Rappelons enfin, à titre liminaire, que « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt. » (article 724 du Code civil).

En effet, en droit français, les héritiers sont ceux qui continuent la personne du défunt, indépendamment donc de toute intervention extérieure : « la qualité d'héritier se reconnaît à la collation du titre qui la confère, et non à la perception de l'émolument » (selon les mots du professeur Michel Grimaldi), l'héritage ne pouvant être assimilé à un simple "profit" dont le généalogiste serait le producteur...


II – LE BARÈME DE RÉMUNÉRATION EN THÉORIE NÉGOCIABLE


Clauses abusives et omission trompeuse

Tout d'abord, le généalogiste ne justifie aucunement de démarches et diligences accomplies puisqu'il ne produit aucune pièce de type "tableau de travail".

Il privilégie plutôt un tableau à « taux d'honoraires Hors Taxe ».

Le barème « proposé » par le généalogiste est censé le prémunir de tout reproche d'abus. En effet, la recommandation N°96-03 de la Commission des clauses abusives du 20 septembre 1996 invitait les généalogistes à éliminer les clauses des contrat de révélation de succession ayant pour objet « de laisser penser au consommateur que les bases de calcul de la rémunération du généalogiste sont impérativement fixées par la loi ou par une autorité et ne sauraient faire l’objet d’une libre négociation », ceci en application des articles L 132-1 à L 132-5 anciens du Code de la consommation (aujourd'hui articles L822-4 à L822-10 du Code de la consommation relatifs aux missions de la commission des clauses abusives).

Néanmoins, ce barème, non forfaitaire, et fondé uniquement sur la quote part de l'actif net revenant à l'héritier en fonction de son degré de parenté avec le défunt, ne permet pas au consommateur de mettre en rapport les honoraires du généalogiste avec la nature des prestations que celui-ci a déjà réalisées. Les pourcentages invoqués ne correspondent à aucune référence concrète ou chiffrée, et la tranche fixée à plus ou moins 75 000 € de la part nette de l'héritier n'est pas plus justifiée. 

La précision du barème « proposé » laisse au contraire penser que le tarif est fixe et correspond à un tarif légal ou réglementaire, et qu'il ne saurait être négocié. D'autant que le contrat omet ici deux éléments substantiels : 

  • Le généalogiste connaît déjà le degré de parenté de son potentiel cocontractant, et donc le pourcentage qui va s'appliquer horizontalement, alors que l'héritier doit lui s'engager sur la possibilité d'une rémunération entre six pourcentages de prélèvements différents !

        
  • Le  généalogiste connaît, précisément ou approximativement, la consistance de l'actif puisqu'il a obtenu irrégulièrement cette information du notaire lui-même au moment de son mandatement :  il a donc aussi connaissance du « taux des honoraires »  qui va s'appliquer verticalement.


En outre, le contrat que propose le généalogiste en 2020 stipule que le pourcentage perçu par le généalogiste « s'applique sur la part revenant à l'héritier quelle qu'en soit l'importance, la nature ou l'origine ».

Autrement dit, aucun plafonnement n'est prévu pour limiter les honoraires du professionnel tout en sachant que les pourcentages peuvent s'appliquer tout aussi bien à un legs qu'à une donation. En affirmant d'ailleurs que ledit « pourcentage s'applique », le généalogiste entend ne pas laisser le choix au consommateur du mode de rémunération : son calcul en fonction de la part successorale, détachée de toute relation avec le contenu et la difficulté de la prestation, apparaît ainsi imposé au cocontractant au détriment, par exemple, d'un prix fixé forfaitairement, précisément déterminé et justifié, ou négociable. 

Ce professionnel est pourtant capable de déterminer la valeur de son travail horaire, ainsi que ses frais et débours, puisque c'est ce qu'il est sommé de justifier au soutien de ses prétentions lorsqu'il assigne les héritiers récalcitrants en paiement de sa rémunération au titre de la gestion d'affaires (un contentieux auquel on pourra revenir plus spécifiquement...).

Par ces omissions trompeuses, le généalogiste entend forcer le consentement de l'héritier sur un engagement contractuel relatif à un pourcentage d'une somme inconnue de lui, et sans prévoir aucun plafonnement de rémunération.


Notons que cette omission trompeuse définie à l'article 121-3 du Code de la consommation dans le cadre des relations entre professionnels et consommateurs, est sanctionnable avant même la conclusion d'un contrat, et est donc à distinguer de la réticence dolosive, récemment consacrée à l'article 1137 du Code civil, et qui est soumise au régime de droit commun des vices du consentement.

Le montant de l'actif de la succession n'étant aucunement lié au prix réel de la prestation du généalogiste, la dissimulation volontaire peut donc tout autant porter sur la valeur de la prestation en elle-même (parfaitement mesurable et même souvent précisément déterminée par le généalogiste) que sur la connaissance de la part successorale déterminant le pourcentage de prélèvement du généalogiste. Or, si ces éléments, essentiels à la manifestation d'un consentement libre et éclairé, étaient connus des héritiers démarchés, ceux-ci seraient probablement conduits à ne jamais contracter (ou, le cas échéant, dans des conditions très différentes).

De ce fait, le barème "proposé" par le généalogiste est vicié puisqu'il dissimule au cocontractant deux informations essentielles : le pourcentage lié au degré de parenté et le pourcentage correspondant à la part nette revenant à l'héritier. Ce dernier se retrouvera ainsi dans une position de grande faiblesse en tentant de négocier sur de simples pourcentages pris sur des valeurs numéraires connues du seul généalogiste et dissimulées par lui.

Au demeurant, le tableau du généalogiste apparaît trompeur, même au regard des mentions relatives à la TVA puisque seuls les pourcentages « Hors Taxe » figurent dans les différentes cases, le généalogiste se contentant d'un renvoi en petits caractères indiquant « TVA en sus au taux actuel de 20,00% ».

Ainsi, par cet affichage déloyal, le consommateur démarché n'est même pas mis en position de visualiser rapidement la valeur des pourcentages qui seront réellement appliqués à ses dépens.


La double implication du notaire dans cette contractualisation illégale

Plus grave encore, dès lors que ce tableau fait mention d'émoluments fixés au pourcentage de la succession nette, cela implique deux violations :

  •  D'une part, le généalogiste est un tiers à la succession et n'a que le droit de présenter sa facture, obligatoirement établie en vertu de l'article L 441-9 du Code de commerce, auprès de l'Étude notariale (ou de tout autre mandant) qui a sollicité sa prestation de services.
  •  D'autre part, le généalogiste exploite sciemment la violation du  secret professionnel du notaire, caractérisant une forme de complicité délictuelle relevant du domaine pénal, et sans laquelle la connaissance du montant successoral net ne pourrait lui parvenir.


En 2018, un reportage TV avait présenté un tout autre barème affiché dans le contrat du même généalogiste : celui-ci prévoyait trois tranches d'actif net revenant à l'héritier (de 1 à 20 000 €, puis de 20 000 à 40 000 € et enfin plus de 40 000 €) en rapport avec les pourcentages respectifs de prélèvement selon le degré de parenté, en incluant (cette fois-ci) la TVA.

Ceci illustre la grande variabilité des barèmes utilisés par le généalogiste en fonction des dossiers traités et confirme, s'il en était encore besoin, que le professionnel a une connaissance précise de la consistance de l'actif successoral lorsqu'il démarche un héritier ; une information qu'il va donc systématiquement dissimuler pour obtenir l'engagement aveugle du consommateur au paiement de ses « honoraires ».

Par ailleurs, les pourcentages fixés dans le barème s'appliquent également sur « les capitaux versés à l'héritier au titre de tout contrat d'assurance-vie souscrit par le défunt » ce qui n'est pas conforme à la dénomination du contrat, qui est dit de « révélation de succession », les assurances-vie étant en principe, comme chacun le sait, indemnisées hors succession (article L132-13 Code des assurances). En effet, il n'est pas nécessaire d'insister ici sur le caractère « libéral » des contrats d'assurance-vie qui ont été précisément conçus comme un moyen pour le souscripteur de disposer de ses biens comme il l'entend (et donc de déroger, très partiellement d'ailleurs, aux dispositions de l'article 912 du Code civil garantissant une « quotité disponible » et une « réserve héréditaire »).


La nature « hors succession » de tout contrat d'assurance-vie souscrit par le défunt

Au moment de son missionnement, le généalogiste est généralement informé par le notaire de l'existence de contrats d'assurances-vie souscrit par le défunt, ainsi que de leur valeur.

Pourtant, dans son contrat, le généalogiste va feindre l'ignorance en laissant entendre à l'héritier démarché qu'il pourrait être bénéficiaire d'un tel contrat mais également qu'il pourrait ne pas l'être, viciant ainsi encore une fois notablement son consentement.

Or, un cabinet de généalogie ne peut JAMAIS justifier une rémunération prise sur une part du capital d’un contrat d’assurance-vie à un héritier puisque ce dernier est TOUJOURS nécessairement informé de sa qualité de bénéficiaire par les établissements d'assurance qui ont une obligation légale à le rechercher.

C'est simplement l'application des Lois Agira I & II (2005 et 2007) et de la Loi Eckert (2014).

En effet, avec la Loi du 15 décembre 2005 (dite "Agira I"), l’article L132-8, alinéa 7, du Code des assurances, impose notamment à l’assureur, lorsque celui-ci est informé du décès de l’assuré, de rechercher le ou les bénéficiaires et, en cas de recherche fructueuse, de l’aviser de la stipulation effectuée à son profit.

Le "dispositif Agira" institué en 2005 par l’article L132-9-2 du Code des assurances, permet à tout bénéficiaire hypothétique d'interroger les organismes professionnels habilités (assurance, mutuelle, institutions de prévoyance), afin d'être informé de l’existence d’un contrat d’assurance vie souscrit en sa faveur par le défunt.

Ce dispositif étant estimé à l'époque comme insuffisant par le Législateur pour régler le problème des contrats d’assurance-vie non réclamés, la loi du 17 décembre 2007 (dite "Agira II") oblige désormais les professionnels à respecter une vérification annuelle du décès éventuel de leurs souscripteurs. Les assureurs doivent depuis lors s’informer, au moins une fois par an, de l'existence de leurs assurés, par consultation du fichier des personnes décédées (RNIPP), sous le contrôle de l'Agira, conformément au articles L132-9-3 du Code des assurances et L223-10-2 du Code de la mutualité.

La Loi Eckert (loi n° 2014-617 du 13 juin 2014) a élargi encore les possibilités de recherche des bénéficiaires d'assurances-vie à l'article L.166-E du livre des procédures fiscales, en permettant aux assureurs professionnels, toujours sous le contrôle de l'Agira, d'obtenir de l’administration fiscale (DGFiP) les coordonnées des personnes physiques concernées.

Les professionnels de l'assurance ne peuvent donc plus restés passifs et se contenter d'attendre l'information du décès du souscripteur : ils ont l'obligation de retrouver tous les bénéficiaires par leurs propres moyens et dans les meilleurs délais.

Dans un arrêt infirmatif rendu le 27 novembre 2018 (n° 17/01370), la cour d'appel de Besançon a donné gain de cause à un héritier contre un généalogiste qui prétendait justifier l'utilité de son intervention (au titre de la gestion d'affaires) en révélant l'existence d'une assurance vie en faveur de l'ayant droit... "les démarches accomplies (…) de l'appelante, qui ont, au demeurant, eu pour principal objet d'identifier les héritiers de la défunte, n'ont donc pas présenté d'utilité pour le bénéficiaire du contrat d'assurance vie qui, sans ces démarches, a été aisément identifié et localisé par les informations que l'assureur détenait dans le dossier du souscripteur".

A défaut de respecter ses obligations, l'assureur engage sa responsabilité et s'expose au versement d'indemnités de pénalités (notamment celles prévues à l'article L132-23-1 du code des assurances).

Par conséquent, le généalogiste successoral n'intervient dans aucune manière dans le processus informationnel des bénéficiaires d'assurance-vie et ne peuvent avoir aucune prétention financière à cet égard.

Un assureur peut, certes, demander l'assistance d'un généalogiste pour retrouver des bénéficiaires, mais c'est alors à lui de rémunérer son mandataire afin de se conformer à une obligation légale de recherche.

Que ce soit par ses recherches généalogiques ou par l'identification des bénéficiaires de l'assurance, le généalogiste ne peut donc revendiquer aucun droit sur ce type de contrat : ce serait à la fois dévoyer la volonté du défunt et supplanter les obligations légales et professionnelles des assureurs. C'est d'ailleurs pourquoi son contrat est nommé « de révélation de succession » et non « de révélation d'assurance ».


Sur la non-conformité au code de la consommation et la nullité absolue du contrat

Comme on l'a indiqué, lorsque le généalogiste propose son contrat aux héritiers, il a donc déjà effectué un certain nombre de prestations.

Or, le « contrat de révélation de succession » est une convention depuis longtemps identifiée comme un contrat commutatif, et plus précisément comme un contrat de fourniture de services soumis au droit de la consommation, notamment depuis l'important arrêt de la chambre criminelle du 30 octobre 1996 (n°95-83541), à l'occasion duquel il a bien été jugé que les dispositions sur le démarchage à domicile s'appliquent à ce type de contrat.

Ainsi, au regard de l'article L221-10 du Code de la consommation, relatif aux contrats conclus hors établissement, le généalogiste n'est pas autorisé à effectuer des prestations de service AVANT l'expiration d'un délai de sept jours, donc à fortiori AVANT toute signature du contrat.

« Le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement ».

Les articles L221-25 et L221-28 dudit code précisent que l'exécution d'une prestation de services avant le terme du délai de rétractation ne peut se faire qu'avec l' « accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ».

Ce qui signifie, a contrario, qu'aucune prestation de services ne peut être effectuée par le professionnel avant le terme du délai de 7 jours suivant la proposition contractuelle, et seulement avec le consentement exprès du cocontractant au cours de la période de 14 jours suivant la conclusion du contrat. 

Une prestation de services ne peut donc jamais être effectuée avant la conclusion de tout contrat.

Or le généalogiste s'engage particulièrement à respecter ces dispositions puisqu'il les fait généralement figurer au verso de son contrat !

Ces dispositions sont bien évidemment d'ordre public. L'article L242-7 sanctionne pénalement « Le fait d'exiger ou d'obtenir du client (…) un paiement ou une contrepartie avant l'expiration du délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement » d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros.

Par ailleurs L'article L 111-1 du Code de la Consommation prévoit que le professionnel communique au consommateur, avant que celui-ci ne soit lié par le contrat de prestation de service, plusieurs caractéristiques essentielles dont la date et le délai d'exécution de ce service ou le prix du service, et ceci de « manière lisible et compréhensible ».

Notons d'abord que le généalogiste semble bien garantir un délai d'exécution « de trois mois suivant la découverte du dernier héritier » mais qui ne répond en rien aux exigences de lisibilité et de compréhensibilité puisque son cocontractant n'a aucun moyen d'évaluer le sérieux de ce délai de « découverte du dernier héritier ».

Par cette indication factice le généalogiste ne s'engage à respecter aucun délai d'exécution précis pour sa « révélation ».

D'ailleurs, un usage des services fiscaux laisse une grande marge de manœuvre au généalogiste, quant aux délais fixés à l'article 641 du Code générale des impôts, puisqu'il admet que, en l'absence d'héritier identifié à l'ouverture de la succession, « le délai imparti aux successibles ne commence à courir que du jour de la révélation qui leur a été faite de l'ouverture de la succession » (JO du 21/11/1994, p. 5766).

Cette dérogation incite donc le généalogiste à effectuer sa « révélation » le plus tardivement possible.

Notons ensuite, dans le contrat du généalogiste, que rien ne permet d'évaluer non plus le prix de la prestation :

D'une part, parce que son tarif dépend du montant de l'actif net recueilli, montant qui n'est pas indiqué au moment où l'héritier démarché signe la convention, ni même calculé approximativement (les deux fourchettes « de 1 à 75 000 € » et « Au-dessus de 75 000 € » relevant, comme on l'a vu plus haut avec le barème révélé publiquement dans un reportage TV, plus de la loterie que d'une rémunération précisément motivée et documentée).

D'autre part, parce que les frais réellement engagés ne sont pas chiffrés alors que par définition, l'intégralité des dépenses (taux horaire moyen des chercheurs, frais de déplacements, frais d'interrogation des fichiers, etc.) a déjà été effectuée au moment du démarchage.

Par conséquent, le généalogiste omet illégalement de faire figurer ces éléments dans son contrat d'autant plus qu'il a irrégulièrement pris connaissance de la valeur de l'actif, de façon plus ou moins précise.

Ainsi, en l'absence du prix de la prestation déjà réalisée par le généalogiste, pourtant parfaitement connu de lui (puisque son contrat indique que « la rémunération (…) intègre l'ensemble des frais de recherche généalogique quel qu'en soit le montant »), les articles L221-5, L221-6 et L221-7 du Code de la consommation n'ont pas été respectés, ainsi que les articles L221-16 et L 221-11 qui prévoient le même type d'obligation pour les contrats signés hors établissement ou à distance, ce qui est le cas ici.

Ces dispositions sont également d'ordre public (article L. 111-8 du Code de la consommation). En cas de violation, les sanctions prévues aux articles L131-1 et L131-2 fixent à 15 000 € l'amende administrative pour une personne morale.


Pratiques déloyales et trompeuses

D'autres dispositions du Code de la consommation s'appliquent donc également.

Les articles L 121-1, L121-2 et L121-3 du Code de la consommation interdisent et caractérisent les pratiques commerciales déloyales et trompeuses, notamment à l'encontre de personnes vulnérables :

Article L121-1 :

« Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.


Article L121-2 :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

(...)

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

(…)

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

(...)

c) Le prix ou le mode de calcul du prix 

(…)

e) La portée des engagements de l'annonceur (...), la nature, le procédé ou le motif (...) de la prestation de services ;

f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;


3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable.

(…)


Article L121-3 :

« Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

(...)

Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes : (…)

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance. (...) »


Des pratiques punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros (article L132-2) ainsi que de peines complémentaires (article L132-3).

Force est de constater que le contrat de révélation (ni d'ailleurs la lettre d'accompagnement du généalogiste) ne mentionne aucunement le nom de son donneur d'ordre, pourtant aisément identifiable,  alors que le généalogiste a agi en tant que prestataire du notaire, pour pallier aux carences de ce dernier dans la recherche de ses propres clients (ceci par l'intermédiaire de l'autorisation prévue à l'article 36 de la loi de 2006 qui ne doit pas être confondue avec le contrat de mandat pouvant lier en sus les deux partenaires).

En outre, les indications sont, comme on l'a vu, de nature à induire en erreur les consommateurs, sont ambiguës et fournies de façon inintelligible quant au prix qui va être à payer.

Dans son avis du 30 novembre 2016, la Direction Départementale de la Protection des Populations du Calvados (DDPP), service déconcentré de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), confirmait cette analyse : « Si le généalogiste, dans le cadre de son mandat de recherche, a connaissance du montant de la succession, la simple mention d'un pourcentage sur le montant de succession dans le contrat de révélation pourrait constituer une pratique commerciale trompeuse en ce qu'elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible une information substantielle tel que le prix ou le mode de calcul du prix de la prestation de service fourni par le généalogiste. ».

Enfreignent alors l'article L 221-9 du Code de la consommation, l’absence de désignation précise du service proposé, de ses modalités d'exécution, des moyens à mettre en œuvre, l’absence du prix à global à payer (un pourcentage d'une somme inconnue avant la souscription du contrat ne pouvant en tenir lieu), l’absence de tout moyen permettant d'évaluer ce montant ; l’absence de précision sur la question de savoir si le prix est une condition future du contrat ou si le prix envisagé ne présente aucun lien quantitatif avec le service proposé.

L'absence ou la non-conformité de ces informations est punie d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros (articles L242-5 et L242-6 du Code de la consommation) et fait encourir des sanctions complémentaires (prévues à l'article L242-8).


L'amorce d'un contrat forcé

L'article L221-16 du Code de la consommation, relatif au démarchage téléphonique, est violé dès lors que l'héritier ne peut être engagé que par sa signature et que son refus de contracter peut conduire à son assignation en paiement d'une prestation non sollicitée ni agréée.

De même que l'article L 121-6 du Code de la consommation réprime les pratiques commerciales agressives, l'article L 121-12 du Code de la consommation est également enfreint par le généalogiste qui a pour habitude d'assigner tout héritier si celui-ci refuse de lui commander son service ou d'agréer son contrat. Il est en effet interdit au professionnel « d'exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis […] sans que ceux-ci aient fait l'objet d'une commande préalable du consommateur » sous peine de nullité (article L132-16 du Code de la consommation).

C'est pourtant ce que réclamera le généalogiste en cas de refus de contracter exprimé par l'héritier démarché.

La violation de cette interdiction est punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros ou d'un montant qui peut être porté à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel (article L132-17 du Code de la consommation).

Le contrat du généalogiste contrevient aussi à l'article L 212-1 du Code de la consommation de par l'existence de clauses abusives, créant un déséquilibre significatif entre le professionnel et le consommateur, telles que la faculté unilatérale de résiliation du contrat (dans les « cas d'insuccès » énumérés plus bas), la détermination du prix postérieurement à la réalisation du service ou le montant des honoraires ou leur mode de calcul (« le pourcentage s'applique ») en apparence non négociables.

Les clauses abusives d'un contrat (à supposer que celui-ci demeure encore valide) sont réputées non écrites (L241-1) et peuvent être sanctionnées d'une amende de 15 000 € pour une personne morale (L241-2).

Le contrat du généalogiste contrevient également à l'article L 211-1 du Code de la consommation de par la présence de clauses abusives telles que l'absence du contenu du service proposé, l'absence de délai d'exécution lisible et compréhensible, l'absence de mention sur la facture à payer.

L'article L 221-29 du Code de la consommation établissant en tout état de cause, le caractère d'ordre public de la Section « Contrats conclus à distance et hors établissement ».

Tout concourt donc à ce que l'héritier démarché soit forcé de contracter. Le cas échéant, l'ayant droit récalcitrant sera abusivement assigné au paiement de la rémunération du généalogiste au titre de la gestion d'affaires.


La nécessaire facturation au notaire de la prestation de service

Les dispositions précédentes n'excluent bien évidemment pas les fondements de la prestation de services :

L'article L 441-1 du Code de la consommation (applicable aux prestations de services comme aux marchandises) qui réprime la tromperie des souscripteurs sur la portée de leur engagement, quand il est fondé sur un ensemble de violations du droit.

La violation de cette interdiction constitue un délit de tromperie qui est puni d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros (article L454-1 du Code de la consommation). La peine peut être aggravée dans les situations décrites aux articles L454-2 et L454-3. Des peines complémentaires sont prévues à l'article L454-5.

L'article 441-9 du Code de commerce (sur la nécessaire facturation d'une prestation de services) qui impose que toute prestation de services pour l'activité professionnelle d'un notaire doit lui être facturée. En effet, les généalogistes effectuent une prestation de services à la demande du notaire, pour son usage professionnel (puisque l'officier ministériel a l'obligation de régler la succession dont il a la charge).

Dès lors, et quelle que soit sa nature, une relation contractuelle s'est formée entre les deux professionnels et celle-ci suppose une facturation de la prestation à la charge du demandeur. 

Prestation d'ailleurs conforme aux définitions relatives au louage de service des articles 1799 (où « Le louage de service » est identifié comme l'une des « trois espèces principales de louage d'ouvrage et d'industrie ») et 1710 (« Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ») du Code civil.

L'article 1199 du Code Civil (sur l'effet relatif du contrat) disposant par ailleurs qu'une convention entre un notaire et un généalogiste ne peut avoir pour effet de nuire aux héritiers et ne leur est pas opposable. Article d'ordre public, et se substituant à ce titre au respect du droit contractuel relevant du Code de commerce.

Le généalogiste ne voit pourtant aucun inconvénient à ne transmettre aucune facture au notaire qui l'a missionné, préférant se faire rémunérer auprès d'un tiers qui ne lui a rien demandé.

Enfin l'article 730-1 du Code Civil déjà mentionné à titre liminaire (relatif à la rédaction d'un acte de notoriété) qui contraint le notaire à appeler à l'acte de notoriété « (...) Toute personne dont les dires paraîtraient utiles », ce qui inclut naturellement tout héritier identifié mais aussi tout généalogiste mandaté afin de recueillir les précisions dont ceux-ci peuvent disposer en matière de filiation.

L'officier ministériel qui se dispenserait d'interroger tout informateur susceptible d'aider au règlement de la succession agirait donc fautivement.

Au regard de ce qui précède, si une rémunération était accordée généalogiste, celle-ci ne pourrait être celle prévue dans son contrat de révélation du fait de son caractère exorbitant, outre le fait qu'elle ne résulte et ne peut résulter que d'un ensemble de violations de la loi, dont celles d'ordre public précitées.


III – FRAIS SUPPLÉMENTAIRES ET ABATTEMENTS INDUS

Une clause réputée non écrite : des « frais de dossier » sans objet

Dans le cas de ce contrat, on peut se référer à une décision récente de la Cour d'appel de Paris (N°18/05455, 5 décembre 2019) dans laquelle les juges du fond s'appuient sur la recommandation N°96-03 de la Commission des clauses abusives pour invalider la facturation de "frais de recherche" (ajoutés aux 121 000 € d'honoraires...) : « la clause du contrat de révélation de succession (...) qui met à sa charge des 'frais de recherche' sans en préciser l'objet, est abusive et doit être réputée non écrite ».

On peut ainsi considérer, par analogie, que la facturation de « frais de dossier » à 95 €, mentionnés par le généalogiste sans aucune précision quant à leur nature ou leur objet, constitue également une clause abusive.

En outre, les mentions sur les tarifs apparaissent également très floues à propos des frais engagés par le généalogiste puisqu'il est prévu que « la rémunération (…) intègre l'ensemble des frais de recherche généalogique quel qu'en soit le montant ». Or, au moment où le généalogiste transmet son contrat de révélation aux héritiers, il a, par définition, terminé ses recherches généalogiques et peut donc adresser un récapitulatif précis de ses frais et débours au lieu d'entretenir la confusion sur ces montants.

L'article L112-3 du Code de la consommation dispose à cet égard que le professionnel doit fournir au consommateur, outre le prix ou le mode de calcul du prix de sa prestation, le détail de « tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d'affranchissement et tous les autres frais éventuels ». Le cas échéant, « Lorsque les frais supplémentaires ne peuvent raisonnablement être calculés à l'avance, le professionnel mentionne qu'ils peuvent être exigibles ».

En l'espèce, le généalogiste fournit le montant précis de la facturation de ses prétendus « frais de dossier », suggérant ainsi que sa prestation est d'ores et déjà terminée.

Au demeurant, sa mention relative à ses « frais de recherches » souligne deux choses :

  •  d'une part, que le généalogiste est déjà en capacité de chiffrer précisément l'ensemble de sa prestation car on imagine mal qu'un professionnel puisse évaluer en détail les frais annexes liés à son activité de recherche, tout en se prétendant incapable de fixer un prix pour l'ensemble de sa prestation ;

  • d'autre part, que le généalogiste reconnaît la faible valeur économique de sa prestation puisque, dans le cas contraire, il lui suffirait d'afficher distinctement la rémunération de ses recherches tous frais compris (selon plusieurs sources, les généalogistes évaluent eux-mêmes le coût de leurs recherches en "généalogie descendante" dans une fourchette comprise entre 700 € et 1 500 € selon les difficultés du dossier). le généalogiste semble même insinuer que ces frais de recherche sont suffisamment faibles pour être « offerts », puisqu'ils se trouvent inclus dans sa part d'honoraires.


On peut ainsi en conclure que :

  • les frais sont suffisamment peu élevés pour déduire que les recherches effectuées n'ont pas été d'une grande complexité ;

        
  • ces frais correspondent à la "phase recherche" et étaient donc forcément connus du généalogiste au moment où il a démarché l'héritier (objet de sa recherche) : il aurait donc parfaitement pu et dû mentionner de tels frais.


Des abattements légaux excessivement favorables au généalogiste

En tout état de cause, quel que soit le travail qu'il a effectué, le généalogiste prétend à une rémunération calculée sur un pourcentage de l'actif net recueilli par chaque héritier retrouvé.

Pourtant, le travail fourni est le même quel que soit la part successorale reçue par chaque héritier. Or, le généalogiste n'est jamais en mesure de justifier pourquoi son démarchage est facturé différemment selon la consistance de la succession du défunt et selon le nombre d'héritiers successibles.

Par définition, une facturation établie par rapport à l'actif net de l'héritier démarché ne peut pas être proportionnée au service rendu puisque les abattements fiscaux dont bénéficie chaque héritier peut différer assez distinctement.

Du fait de ces abattements, on a ainsi l'exemple, validé par un Tribunal, d'une héritière handicapée condamnée à rémunérer le généalogiste à hauteur d'un montant (9 000 €) qui représente plus du DOUBLE de celui versé par les autres héritiers assignés en paiement (4 000€) ! Au final, dans ce dossier, le généalogiste empochait ainsi une somme totale de plus de 48 000 € pour sa « prestation » !!!

Tous ces éléments sont donc de nature à induire en erreur les contractants par la confusion entretenue non seulement sur la TVA, mais aussi sur les frais et les abattements.

Par ces manœuvres frauduleuses et ces dissimulations destinés à vicier le consentement de l'héritier démarché, le contrat du généalogiste pourra donc aussi être annulé sur le fondement du dol, en vertu de l'article 1137 du Code Civil.


IV – FIN DU CONTRAT ET CONTENTIEUX DU DROIT DE LA CONSOMMATION

Les cas supposés de l'extinction des obligations contractuelles

Au moment du démarchage, le généalogiste est à l'abri des aléas qu'il énumère pourtant dans les « cas d'insuccès » susceptibles d'éteindre les effets du contrat :

  •  Ses recherches généalogiques lui ont permis de déterminer le rang successoral de chacun des héritiers et ainsi de s'éviter l'intervention inopinée d'un héritier plus proche non identifié et qui menacerait donc la perception de ses honoraires ;

        
  •  L'éventualité de la découverte d'un testament est également très réduite puisque le généalogiste a bien évidemment consulté, comme le notaire mandant, le Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés ; la seule véritable déconvenue pouvant survenir de la découverte d'un testament olographe à l'occasion d'un inventaire successoral (auquel est très souvent convié le généalogiste lui-même, à l'encontre des règles légales et déontologiques...), mais encore faut-il que ce testament respecte les formes exigées par la loi et qu'il exhérède les héritiers retrouvés ;

        
  • Il est convenu tacitement entre les notaires et les généalogistes que lorsque ces derniers sont sollicités, c'est uniquement si la succession apparaît clairement bénéficiaire. En cas de succession déficitaire, les généalogistes peuvent tout de même accepter d'assister un notaire dans la recherche de ses clients, mais il s'agit alors d'une faveur bien comprise par les deux partenaires en prévision de collaborations ultérieures plus lucratives... Le site internet d'un généalogiste est encore plus catégorique : « L’héritier client est garanti contre tout passif éventuel. »


Le généalogiste ne s'engage donc à rien lorsqu'il assure faire « son affaire personnelle de tout déficit successoral » : c'est une autre façon de tromper le consommateur pour le faire contracter en le garantissant de risques inexistants ou improbables.

En insinuant que des dettes pourraient absorber l'actif, alors qu'il est déjà informé très précisément de la consistance de la succession, le généalogiste entend là aussi tromper son potentiel cocontractant, contrevenant au passage au principe de l'estoppel qui, au nom de la bonne foi des parties, interdit de se contredire au détriment d'autrui.


L'apparente conformité du contrat aux dispositions du Code de la consommation

Certes, par obligation légale (comme indiqué précédemment, le contrat de révélation a été depuis longtemps assimilé à une convention de fourniture de services soumise au droit de la consommation), le généalogiste se réfère à plusieurs articles du Code de la consommation relatifs aux informations précontractuelles (L111-1, L111-2, L221-5, L221-6 et L221-7) et au droit de rétractation (au verso du contrat).

Si les exigences concernant le droit de rétractation sont aisément satisfaites par le généalogiste (à l'exception notable de l'article L221-25 lui interdisant d'exécuter ses prestations avant la conclusion du contrat, comme démontré plus haut...), et ce depuis la condamnation d'un généalogiste en 2008 (lequel n'avait pas respecté les formes prévues légalement pour le coupon-réponse de rétractation de l'actuel article L221-21...), celles concernant les informations précontractuelles sont en revanche intégralement dévoyées.

Comme on l'a vu, les manquements aux dispositions de l'article L111-1 du Code de la consommation rendent inaccessibles à l'héritier démarché certaines caractéristiques essentielles de la prestation.

L'article L111-2 du Code de la consommation, relatif à la communication des conditions contractuelles avant l'exécution de la prestation de services, renvoie quant à lui à l'article R111-2 du Code de la consommation qui détaille les informations obligatoirement mises à la disposition du consommateur par le professionnel, et notamment « Si son activité est soumise à un régime d'autorisation, le nom et l'adresse de l'autorité ayant délivré l'autorisation ».

A quel titre donc le généalogiste pourrait-il dissimuler à l'héritier démarché l'identité du notaire qui l'a missionné, tout en étant soumis au régime d'autorisation fixé à l'article 36 de la loi de 2006 (lequel conditionne en outre la rémunération à la possession d'un "mandat de recherche") ?

Dès lors, qu'est-ce qui empêcherait un héritier sollicité par un généalogiste d'exiger la communication gratuite du nom et de l'adresse du notaire liquidateur afin de justifier de ses droits directement auprès de ce dernier ?

Dans les faits, pourtant, le généalogiste va tenter de monnayer la révélation de l'identité du notaire qui l'a missionné pour rechercher ses clients.

Enfin s'agissant des L221-5, L221-6 et L221-7 du Code de la consommation relatifs aux obligations d'informations précontractuelles dans les contrats conclus à distance, à la nature des frais supplémentaires (notamment ceux mentionnés à l'article L112-3 vu plus haut) et à la charge de la preuve de communication pesant sur le professionnel, ces dispositions sont systématiquement enfreintes du seul fait que le généalogiste dissimule des éléments essentiels afin de tromper le consentement de son cocontractant.


La conciliation biaisée du Médiateur de la consommation

En cas de litige, le généalogiste propose l'arbitrage de Gérard Gaucher, ancien magistrat aujourd'hui "médiateur de la consommation" rémunéré par Généalogistes de France, l'organisation nationale représentative des professionnels de la généalogie.

La démarche du médiateur consiste à exciper de règles contraires au droit en vigueur pour donner systématiquement raison à son employeur, y compris en usant de la menace de poursuite contre les héritiers ! Les rapports d'activité annuels, publiés sur le site internet du Médiateur, sont à cet égard assez édifiants.

Cette procédure de médiation vise en réalité à réduire le nombre de litiges portés devant les juridictions, à diminuer le risque de procédures longues et coûteuses pour la profession, mais aussi accessoirement à éviter la publicité des mauvaises pratiques des « chasseurs d'héritiers »...


V – UN TRAITEMENT DES DONNÉES PERSONNELLES SANS CONTRÔLE

L'impunité de la violation des règles sur la protection des données personnelles

Les notaires et les généalogistes déclarent généralement être tous deux « destinataires » du traitement des données personnelles des héritiers !

Par ce grossier stratagème, ils sont parvenus, jusqu'à aujourd'hui, à contourner les obligations qui incombent normalement aux responsables et aux sous-traitants d'un tel traitement... Et ce, devant l'étonnante passivité de la CNIL !

Interrogée depuis plusieurs années par différents particuliers, la CNIL n'a jamais répondu à la question juridique des responsables, sous-traitants, et destinataires en matière de collectes de données des héritiers.

Du côté des tribunaux, les dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ne sont tout simplement pas appliquées à l'activité des généalogistes. Certains juges considérant de façon assez spécieuse que « les informations qui doivent être fournies en application de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ne portent pas sur d'éventuels droits dans une succession ».


La qualification biaisée de la qualité de « destinataire » d'un traitement

L'article 4 du RGPD distingue les qualités de responsable, de sous-traitant et de destinataire du traitement : 

« "Destinataire", la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou tout autre organisme qui reçoit communication de données à caractère personnel, qu'il s'agisse ou non d'un tiers ».

L'ancien article 3 de la Loi Informatique et Libertés disposait ainsi que « Le destinataire d'un traitement de données à caractère personnel est toute personne habilitée à recevoir communication de ces données autre que la personne concernée, le responsable du traitement, le sous-traitant »

La qualification de responsable de traitement (au sens du 7° de l'article 4 du RGPD) revient à la personne « qui détermine ses finalités et ses moyens ». La CNIL en déduit généralement que la principale caractéristique du responsable de traitement est son autonomie dans la mise en œuvre et la gestion du traitement.

Pour ce qui est de la qualification de sous-traitant (au sens du 8° de l'article 4 du RGPD), celle-ci désigne toute personne traitant des données à caractère personnel pour le compte du responsable de traitement.

Ainsi, par les effets conjugués de :

  • L'article 36 de la loi de juin 2006 conditionnant l'autorisation du généalogiste, pour rechercher des héritiers, à la possession d'un "mandat de recherche" du notaire liquidateur ;

        
  • Les articles 1199, 1710 et 1779 du Code civil et l'article 441-9 du Code de commerce, établissant la formation d'un lien contractuel entre les deux partenaires et la nécessaire facturation au notaire du prix de la prestation du généalogiste ;

        
  • La recommandation publiée dans les Conventions de partenariat Notaires-Généalogistes de 2015 et 2024 rappelant que le notaire chargé de la succession « conserve la maîtrise de la procédure » et, à ce titre, « doit préciser le cadre de l'intervention du généalogiste » ;


Il apparaît, sans aucune ambiguïté, que le destinataire du traitement ne peut-être ni le notaire (responsable) ni le sous-traitant (le généalogiste).

Les généalogistes qui se proclament faussement responsables du traitement ne peuvent donc être dans le même temps destinataires, puisque les "services règlement, généalogie et juridique" font, jusqu'à preuve du contraire, partie intégrante de la société de généalogie.


Par conséquent, à l'appui de tout ce qui précède, ce contrat de révélation de succession apparaît illégal, et doit être à ce titre frappé de nullité et sanctionné sévèrement pour l'ensemble des règles ainsi enfreintes, certaines d'ordre public. On comprend donc à la fois l'augmentation du nombre de litiges le concernant et la volonté du Législateur de tenter de réguler la profession de généalogiste successoral. Toutefois, cette régulation ne peut consister à intégrer les effets d'un tel contrat dans le droit commun, au détriment des règles successorales et des intérêts des héritiers.




NB : Il est rappelé que les propos tenus dans tous les articles et les actualités du réseau demeurent sous la responsabilité de leurs auteurs.

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  • Contrat de révélation de succession
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