Depuis octobre 2017, Gaël Rivière exerce comme avocat au sein du cabinet Bredin Prat dans le département Réglementation des services financiers et des assurances. Il est également sportif de haut niveau depuis 2006 et a rejoint la Fédération Française Handisport en qualité de vice-président e mai 2018.
Il partage avec le réseau son parcours et son expérience d'athlète de haut niveau aux Paralympiques Paris 2024.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
S’agissant de mon parcours universitaire, après un baccalauréat scientifique, j’ai débuté une licence en mathématiques appliquées à l’économie et l’informatique à l’université Paris Dauphine. Durant cette dernière, j’ai assisté à des cours d’introduction au droit qui m’ont immédiatement beaucoup plu car j’y retrouvais la rigueur du raisonnement, d’une part, et l’importance du choix des mots, d’autre part.
J’ai par la suite effectué l’essentiel de mon cursus au sein de l’université de Paris II, en choisissant, non sans hésitation, le droit privé plutôt que le droit public d’abord, puis le droit des affaires ensuite.
À l’issue de mon deuxième master II en droit bancaire et financier, et après l’obtention du CAPA, j’ai voyagé pendant une petite année avant de débuter une collaboration au sein du cabinet Bredin Prat. J’y ai, dans un premier temps, fait du « M&A » avant de progressivement me spécialiser en réglementation bancaire, financière et assurantielle.
Comment avez-vous découvert le cécifoot ? Et que vous a-t-il apporté ?
Je dis souvent que je suis un enfant, comme beaucoup d’autres, de 1998. Bien qu’étant déjà non-voyant à cette époque, j’ai eu envie de jouer au foot avec mes voisins, ce que je dois confesser avoir fait avec une très grande assiduité. Je n’ai cependant découvert le cécifoot, avec ses règles et adaptations spécifiques, qu’un peu plus tard, lors de mon arrivée à Paris pour y faire ma seconde. Par la suite, j’ai trouvé, avec l’équipe de France que j’ai intégrée lors de ma terminale, l’occasion de vivre avec encore plus d’intensité cette passion enfantine.
Le cécifoot m’a permis d’apprendre l’humilité et le travail. Le sport de haut niveau est une école assez formidable sur ces plans, car on comprend assez vite que l’on n’atteint que peu de choses seul, presque rien sans travail, et, plus encore, que même lorsqu’on croit tout bien faire, on peut parfois échouer.
Le cécifoot, c’est aussi pour moi le privilège d’avoir pu vivre et partager, avec des coéquipiers devenus des amis, des émotions d’une intensité probablement sans équivalent. C’est enfin l’opportunité d’avoir côtoyé pendant plus de 20 ans des personnes aussi diverses par leur origine que par leur parcours. Le sport est probablement, dans nos sociétés actuelles, l’un des derniers espaces de mixité sociale et culturelle.
Comment parvenez-vous à concilier votre métier d’avocat prenant avec celui de sportif de haut niveau ?
Durant les premières années de ma collaboration, j’ai dû me consacrer à l’apprentissage de mon métier, à faire mes preuves et à tout simplement répondre aux exigences qui caractérisent le type de structure que j’avais choisi pour exercer ma profession. J’ai tout de même poursuivi ma participation en équipe de France, mais essentiellement en capitalisant sur les acquis des années passées, faute de pouvoir réellement m’entraîner. Cependant, un an et demi avant les Jeux de Paris, j’ai fait part au cabinet de ma volonté de me préparer de manière intense pour cette échéance, en leur demandant s’il leur paraissait envisageable de mener une telle préparation en parallèle d’une poursuite de mon activité au cabinet, avec un aménagement sensible de mon emploi du temps. Ils ont été d’accord et m’ont apporté un soutien inestimable en m’octroyant un temps de présence réduit au cabinet (de 10 h à 17 h), me permettant ainsi de m’entraîner deux fois par jour.
Pouvez-vous nous raconter votre expérience aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 ?
Avant le début des Jeux, j’avais participé à des campagnes pour essayer de faire en sorte que le public vienne en nombre et avec enthousiasme voir ces Jeux Paralympiques, à un moment où la billetterie était loin d’être un succès. Nous étions donc, à l’aube de ces Jeux, assez peu certains du succès populaire qu’ils allaient rencontrer. Je crois, à cet égard, que la réussite populaire des Jeux Paralympiques (avec des stades pleins et 5 millions de téléspectateurs pour notre finale en cécifoot) a dépassé les prévisions et les espoirs.
Cependant, pour nous, qui avions connu des Jeux avec médailles et des Jeux sans (nous avons été médaillés d’argent à Londres et derniers aux Jeux de Tokyo), nous savions que, pour que ces Jeux soient extraordinaires, il nous fallait aussi être performants sportivement, sans être submergés par l’engouement. Nous avions donc travaillé pour parvenir, par une routine d’échauffement très stricte notamment, à demeurer concentrés sur la performance sportive et pouvoir, au moments opportun, nous servir de l’énergie du public pour surperformer.
Récemment sacré champion paralympique en cécifoot avec cette médaille d’or, que pouvez-vous nous dire sur cette belle performance collective ?
Cette médaille est pour nous extraordinaire à plus d’un titre :
Sportivement, d’abord, puisque nous n’étions pas les favoris de cette compétition (7e au classement mondial) ;
Sur le plan de la dramaturgie ensuite, puisque nous gagnons contre l’Argentine, rivale de la France s’il en est au cours des dernières années, qui plus est après une séance de tirs au but intenable ;
Sur le plan du décorum également, puisque nous avons eu le privilège de jouer au pied de la Tour Eiffel devant 11 000 personnes venues en curieux et reparties en passionnés ;
Sur un plan collectif enfin, parce qu’une bonne partie de ce groupe se connaît depuis 20 ans, qu'ils ont traversé ensemble toute une partie de leur vie sportive et personnelle pour, parvenu presqu’au terme de leur carrière, partager ce qui s’apparente à un rêve.
Enfin, il y a eu un fort engouement du public pendant cette quinzaine de septembre. Pensez-vous qu’il y aura « un avant et un après » suite aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 ?
Lorsque nous préparions les Jeux de Paris, nous avions une ambition qui était à la fois sportive et sociétale. En effet, nous avons la conviction que le sport peut être un outil d’inclusion, en ce qu’il permet de percuter les préjugés qui associent très souvent une situation de handicap donnée à une sorte d’incapacité généralisée. Or, le sport de haut niveau vient heurter cet imaginaire collectif en faisant éprouver aux spectateurs, presque viscéralement, par les émotions que la dramaturgie sportive peut véhiculer, le fait que la situation de handicap n’entrave pas la performance.
Aussi, je crois que les Jeux auront permis, au moins temporairement, de passer du paternalisme à la fraternité et de la compassion à la passion partagée.
Quant à savoir si ces effets seront durables, je crois qu’il n’y a là qu’une magie qui n’est que partielle: les Jeux sont un élan qu’il nous appartient de prolonger.
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